#10 Suzi will quechua later

Temps de lecture : 4 minutes

C’est un hommage à la culture quechua que retranscrit cette nuance de vernis, rose rappelant la tenue traditionnelle de la chola. “Chola pink” est d’ailleurs devenue une couleur emblématique, rebaptisée “rose shocking”: “la couleur clignotait devant mes yeux”, a écrit Schiaparelli, “lumineuse, impossible, impudente, en mouvement, comme une source de vie, comme toutes les lumières, les oiseaux et les poissons du monde mis ensemble, une couleur de la Chine et du Pérou, mais pas occidentale_ une couleur scandaleuse, pure et non diluée.” (citée dans La vie secrète des couleurs de Kassia Saint Clair).

Nous terminons cette parenthèse colorée et enchantée par un message qui nous tient terriblement à cœur: la condition de la femme au Pérou. Ici, c’est avec un coup de poing enragé que nous voulons frapper et dénoncer une réalité inacceptable et faire la transition entre émerveillement et lucidité: du vernis à ongles au coup de poing symbolique. 

Inspirées par le travail de Pénélope Bagieu avec ses Culottées (bande-dessinées dont nous vous recommandons vivement la lecture, tome 1 & 2), le reportage bref produit par César Hildebrandt Chavez intitulé “La escuela del silencio” (“L’école du silence”:https://www.youtube.com/watch?v=wBG3jUvTMCs) a été le détonateur pour écrire cet article.

Expliquant la discrimination de genre et la profonde inégalité qui en découle dès la petite enfance, et surtout dans les milieux ruraux du pays: les trois zones les plus touchées sont la périphérie de Lima, l’Ucayali et la région d’Ayacucho; le documentaire montre la réalité des fillettes et des femmes de nos jours. Outre l’impact ressenti devant les statistiques catastrophiques données par le reportage (selon une étude de 2012): 87% des victimes de violences familiales et sexuelles sont des femmes; 77% d’entre elles sont des mineures de moins de 18 ans; 12% des jeunes filles entre 15 et 19 ans se retrouvent enceintes, et ce pourcentage atteint les 19% dans les milieux ruraux… L’impact visuel de ce documentaire nous a fait porter un regard différent sur ce pays que nous aimons tant. Quand je parle d’ “impact visuel”, je me réfère plus particulièrement aux conditions des vies des “cholas”, à leurs tenues magnifiques mais qui dans le contexte d’une école misogyne et où le machisme est intériorisé depuis fort longtemps semble les desservir et paradoxalement leur faire de l’ombre…

Ces tenues ancestrales, pleine de folklore et de broderies semblent pareilles à un carcan de traditions poussiéreuses qui renforcent le décalage, l’anachronisme même des conditions de vie des petites péruviennes. Quand les petits garçons ont le droit de jouer, de faire du sport, de se dépenser, de courir, de se placer au centre de la salle de classe, elles demeurent sur les côtés, reléguées à l’infériorité que leur confère leur sexe, et totalement mutiques, comme si leur voix était coincée au plus profond de leur être et n’avait ni le droit ni la place de s’exprimer. Il en est de même pour les activités intellectuelles, le reportage montre que même certains professeurs privilégient la lecture aux garçons et laissent les filles se charger des repas mais aussi du nettoyage des salles de classe, le balai étant forcément un attribut féminin!!! Quel terrible constat que celui-là: la société péruvienne est encore, à bien des égards, patriarcale, machiste, inégale et injuste envers les femmes qui subissent cet état de faits depuis des siècles et des siècles. Mais ce n’est pas une fatalité et à l’heure où de plus en plus de marches, de manifestations, de luttes prennent vie en faveur de la pleine réalisation de la femme dans la société afin de la libérer de ses entraves, l’espoir ouvre la voie, au-delà des frontières. A ce sujet, nous vous renvoyons à la lecture de notre article sur la marque Amapolay, où le vêtement est revisité et devient moyen d’expression subversif, militant et engagé. Nous sommes conscientes qu’il ne suffit pas d’un article pour remédier à des phénomènes d’une si grande envergure, mais par le biais de ces quelques lignes, nous voulions réaffirmer notre lucidité et notre considération sur les batailles, nombreuses, qu’il reste à mener.

C’est sous le signe de la couleur, de la bonté, de la solidarité et de la générosité, des valeurs que l’on retrouve au Pérou, que nous souhaitons conclure cette saga OPI x Pérou, carnet d’inspiration et de voyage où les souvenirs restent gravés dans nos cœurs, comme celui de notre dernière nuit cuzquénienne. Juste avant de rentrer à l’auberge, nous marchions dans les ruelles avec Monica et en passant devant une des nombreuses boutiques d’artisanat et de cadeaux typiques, nous avons fait la connaissance d’Andrea. Elle était une la vendeuse d’une de ces boutiques et lorsqu’elle nous a vu entrer, elle s’est mis à nous parer telles de véritables cholas! Notre gémellité l’a interpellé et elle était enceinte donc plus réceptive à ce genre de coïncidence, nous avons eu des fous rires le temps de cette petite visite suspendue où dans le même instant où nous pensions nous être fait voler notre appareil photo, nous l’avons retrouvé et nous nous sommes senties profondément soulagées, heureuses et péruviennes!


Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *